En un coup d’œil:
- La hausse des loyers et des prix des maisons, combinée au déclin de l’approvisionnement, réduit grandement les options de logement pour de nombreux ménages à moyen et faible revenu.
- Nous avons interviewé deux experts en politiques et développement d’habitation, Nick Walkley, président d’Avison Young au Royaume-Uni, et Vic Gupta, PDG de CreateTO, pour obtenir leur point de vue sur les moyens d’aborder la crise du logement dans leurs marchés respectifs.
Le coût du logement, l’approvisionnement et l’avenir des villes
Nous ressentons tous la pression de la crise mondiale du logement qui s’intensifie avec des loyers qui explosent, l’accès à la propriété qui semble toujours plus difficile et il ne semble jamais y avoir suffisamment d’inventaire pour la demande toujours grandissante.
Les données récentes soulèvent les défis continus pour toutes les fourchettes de revenus, bien au-delà des difficultés habituelles du logement social ou subventionné. D’ailleurs, aux États-Unis, les loyers des immeubles multifamiliaux ont gonflé de 19,2 % depuis 2019, atteignant un sommet au deuxième semestre de 2023, alors que les loyers au Canada avaient augmenté de 9,9 % en novembre 2023. En 2022, plus de 50 % des ménages américains étaient grevés par leur loyer ou consacraient plus de 30 % de leurs revenus à leur loyer.
Ce tableau illustre le pourcentage de ménages américains consacrant plus de 30 % de leurs revenus à leur loyer de 2010 à 2022.
Source : AVANT par Avison Young, U.S. Census Bureau
La crise du logement ne se limite pas à la pénurie de logement social, puisque de nombreuses grandes villes rencontrent de sérieux obstacles pour répondre aux besoins de ménages à moyens ou faibles revenus.
Il n’y a pas que les loyers qui augmentent. Les prix des maisons aussi. De 2012 à 2022, le ratio du prix des maisons au revenu a grimpé de 26,7 % au Royaume-Uni, qui est au plus bas échelon du spectre. Au Canada, ce ratio a bondi de 52,3 % pendant la même période.
Ces chiffres reflètent le changement de pourcentage du ratio du prix des maisons au revenu de 2012 à 2022. Source : AVANT par Avison Young, OECD
La hausse des taux d’intérêt et les taux hypothécaires qui empirent ajoutent aux écueils à l’achat d’une propriété, incitant de nombreux acheteurs potentiels à envisager la location comme option plus réaliste. Dans ce contexte, l’article pour le Forum économique mondial de notre PDG Mark Rose met l’accent sur les ingrédients principaux pour remédier à la crise, y compris le besoin de politiques de densification raisonnée, d’autonomisation des communautés, de nouveaux incitatifs fournis par le secteur public et le développement d’infrastructures durables.
Il s’agit d’un défi qui ne peut être relevé qu’avec des actions à la fois des secteurs publics et privés. Pour examiner de plus près ces idées, nous avons demandé à deux experts en politiques et développement d’habitation de partager leur point de vue sur les moyens d’aborder la crise du logement.
1. Avec des élections générales en vue au Royaume-Uni, comment est le débat sur l’habitation ? Attend-on des solutions de la part des gouvernements?
En fait, lorsque les employeurs prennent des décisions selon l’habitation et que la main-d’œuvre dont dépend une ville n’a pas les moyens d’habiter dans cette ville, vous avez atteint un point critique. On observe une vague dans tous les secteurs et opinions politiques convenant que quelque chose doit être fait pour l’accessibilité, la qualité et l’approvisionnement.
Avec les élections en vue, nous voyons des décisions comme le manifeste diffusé par la fédération britannique de la propriété immobilière pour nous ramener aux principes de base, à commencer par l’idée de la nécessité de l’habitation dans l’économie du Royaume-Uni. Il est facile de blâmer le gouvernement et de se concentrer uniquement sur la réglementation et l’urbanisme. Mais pour de vrais résultats, nous devons réexaminer le financement et l’infrastructure et, plus généralement, avoir une vue d’ensemble de ce que peut et doit faire le gouvernement pour atténuer la crise du logement.
2. Pouvez-vous en dire plus sur ce que comprend cette démarche?
On sait qu’une meilleure réglementation, comme un système d’urbanisme plus simple, améliorera l’approvisionnement. Augmenter l’inventaire, cependant, ne change pas le fait que les logements sont un produit déterminé par le marché. Il faut changer la nature du marché. Dans d’autres secteurs de la société, nous avons vu de profonds changements en termes de produits et de modèles de livraison ainsi qu’en approvisionnement (les véhicules électriques plus récemment), mais le logement au Royaume-Uni n’a pas tant changé en cent ans. Comment la diversification du marché et une conjoncture plus concurrentielle pour l’approvisionnement, le financement et la construction pourraient-elles naturellement transformer l’approvisionnement de logements?
Pour moi, on est à un moment fort intéressant. Si nous pouvons aider à réduire le risque en innovation et conseiller une réglementation qui encourage le risque à petite échelle, nous pouvons aider à favoriser un meilleur marché et une voie plus sûre pour faire prospérer de nouvelles idées.
3. Par où commenceriez-vous?
Je mentionnais les véhicules électriques. Regardez le niveau de productions sur mesure et de personnalisations possibles. Pas seulement en usine, mais dans les façons de conduire cette voiture dès qu’elle quitte le concessionnaire. Vous pouvez posséder, ne jamais posséder, ajuster les paiements, le service, qui s’occupe des réparations… Ce que j’observe dans ce secteur, c’est la transformation de l’idée de propriété.
4. La propriété semble être une force immuable en habitation. Dites-vous que cela doit changer?
La propriété résidentielle, surtout au Royaume-Uni, est perçue comme une protection. C’est un produit rare qui a pris de la valeur, et c’est ancré dans la psyché des Britanniques. Cela diminué le besoin et l’appétit dans le marché pour une produit locatif adéquat puisque quiconque a du capital a été systématiquement orienté vers une hypothèque, voire une seconde hypothèque comme pécule. Les petits bailleurs avec des standards variés ont tellement dominé le marché que les locations de construction professionnelle demeurent un toute petite partie de l’approvisionnement et sont à peine mentionnés dans les documents d’urbanisme.
Cependant, la crise financière passée, nous voyons des changements et une demande pour de meilleurs logements à louer. Les grandes villes britanniques voient des immeubles d’appartements locatifs prendre plus de place dans le marché locatif. Les étudiants qui ont profité d’installations améliorées du secteur privé, en raison de la croissance et des investissements rapides dans cette catégorie d’actif, ont maintenant des emplois et, en quittant leur nid universitaire, ne trouvent rien de disponible dans le marché ayant la même qualité. Ces jeunes professionnels stimulent la demande pour des immeubles de qualité construits pour la location au lieu d’être à la merci de propriétaires amateurs.
Nous voyons donc des signes d’un marché croissant, bien que toujours restreint. Il est néanmoins toujours perçu comme un choix intérimaire. Il reste fort à faire pour soutenir la location à long terme comme faisant partie de la création de richesse, comme cela se voit en Allemagne et en Europe continentale en général. Payer plus de la moitié d’un salaire pour louer à Londres, c’est pénible et cela illustre l’échec de l’approvisionnement et le défi de la stabilité financière en étant locataire. C’est en augmentant l’approvisionnement et avec des produits d’investissement personnels que le problème sera réglé, permettant la même perception de sécurité future et de valeur qu’apporte la propriété immobilière.
5. Au sujet de l’échec de l’approvisionnement, l’autre force immuable semble être la densité, le territoire et le syndrome pas dans ma cour. Cela fait-il partie des débats?
À vrai dire, ça domine les débats. C’est dans les discussions sur les programmes individuels et leur application, et aussi dans des discussions théoriques sur ce que nous devrions construire, où et pour qui. Si le « pas dans ma cour » n’est pas nouveau, ce qui l’est davantage, c’est que les débats sont de plus en plus vus à travers le prisme des différences entre générations, opposant les jeunes générations moins bien logées et plus désargentées et les boomers plus à l’aise. Mais je ne crois pas que le « pas dans ma cour » est immuable. Les besoins criants semblent présents à l’esprit des gens et l’échec de l’approvisionnement est un sujet de discussion collectif, que ce soit à la table de la cuisine ou dans les débats publics. Nous devons aussi continuer de démontrer que la densification urbaine est plus durable que l’étalement en banlieue.
La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement possède une abondance de terrains, a les pouvoirs d’urbanisme requis et peut (devrait) être un meneur dans le marché. Des interventions audacieuses et délibérées, comme de nouvelles municipalités, nous permettent de réimaginer l’infrastructure, d’influencer le marché résidentiel et d’éprouver des stratégies d’urbanisme qui font croître l’économie tout en relevant de multiples défis liés au logement, à l’habitabilité et à la durabilité.
Nous devons continuellement nous rappeler qu’il s’agit d’une crise et que pour y pallier, il faut des partenariats innovants, un marché concurrentiel, des investissements audacieux et une planification du gouvernement. Pour le logement, la tâche semble monumentale, mais c’est ce qu’il faut pour changer la donne.
1. Vic, pouvez-vous nous résumer la mission de CreateTO et le rôle que vous jouez pour servir la Ville de Toronto?
La Ville de Toronto détient l’un des portefeuilles immobiliers les plus vastes, les plus complexes et les plus importants en Amérique du Nord, y compris plus de 8 400 propriétés ayant une valeur collective d’environ 27 milliards de dollars.
En 2018, CreateTO a été fondée pour gérer ce portefeuille autrement, comme un actif collectif appartenant aux gens de Toronto. Notre agence fonctionne avec le principe selon lequel les biens immobiliers de Toronto peuvent débloquer une grande valeur pour les résidents de la ville et être réimaginés comme des éléments constitutifs de l’avenir de la ville.
2. CreateTO joue un rôle essentiel dans l’exécution du programme Housing Now de Toronto. Quels types de mécanismes financiers sont requis pour faire avancer ce programme?
Housing Now est un programme essentiel d’approvisionnement de logements en appui au plan d’action HousingTO 2020-2030 qui vise l’approbation de 65 000 nouveaux domiciles à loyer contrôlé sur les 10 prochaines années.
Le conseil de ville a approuvé environ 40 millions de dollars de valeur foncière et d’incitatifs financiers grâce au programme Housing Now uniquement, y compris une renonciation de frais et une exemption de taxes foncières, pour rendre ces projets possibles.
Globalement, la Ville a attribué environ 2 milliards de dollars de valeur foncière, de financement en capital et d’incitatifs financiers pour appuyer la livraison des 65 000 foyers à loyer contrôlé.
3. Comment CreateTO use-t-elle d’une approche systémique et de partenariats public-privé pour atteindre ces objectifs en habitation?
Pour CreateTO, le renforcement des capacités est essentiel à l’atteinte des nouveaux objectifs. Nous sommes confiants en nos aptitudes pour passer notre vaste portefeuille immobilier en revue afin d’identifier des sites et d’être innovateurs pour le regroupement, combinant les investissements en capitaux avec des partenariats pour créer de nouvelles opportunités. Ce sont les prochaines étapes du processus de développement, où nous étofferons notre expertise et nos capacités.
Ce qui compte, c’est de reconnaître que pour atteindre nos objectifs financiers, il faut une approche « tout le monde sur le pont ». La solution à ce problème ne se limite pas au gouvernement. Nous saisissons l’importance du secteur privé, des OBNL et des coopératives comme partenaires pour avancer.
L’immobilier n’a jamais été un domaine politique où d’un tournemain vous pouvez faire avancer les choses. C’est un long parcours, même avec une rangée de feux verts devant vous.
4. Comment le modèle coopératif du projet 2444 Eglinton appuie-t-il votre approche pour l’accès et la propriété immobilière, et quelles sont les principales raisons qui expliquent l’adéquation de cette structure?
Les logements en coopérative sont la structure parfaite à inclure dans cet endroit parce qu’ils permettent le plus grand nombre d’unités de logement abordables à proximité des investissements en transports en commun du pôle de mobilité Kennedy. Aucun ensemble de logements en coopérative d’une telle ampleur n’a été construit dans la province depuis 30 ans, et nous sommes heureux de remettre les coopératives sur la sellette.
Il est important de tenir compte du fait que le modèle à but non lucratif permet des logements abordables à long terme puisque les résidents n’auront pas à se soucier de fortes hausses de loyer.
Cela ne signifie pas que les loyers ne seront jamais augmentés. Les loyers augmentent régulièrement avec les frais d’exploitation. La différence, c’est que les membres de la coop révisent les finances de celle-ci ainsi que les recommandations budgétaires du Conseil d’administration et ensuite, les membres votent le budget et une assemblée générale annuelle. Ainsi, s’il y a des augmentations, elles reflètent les coûts réels et non des marges de profit.
5. Les logements au prix du marché jouent un rôle important dans la stratégie de financement de l’habitation à Toronto. Comment aidez-vous les communautés à comprendre (et faire confiance à) l’approche pour répondre à la demande à tous les niveaux?
Les unités au prix du marché sont une partie importante de l’équation, non seulement du point de vue de la diversité, mais aussi en termes économiques. Les unités au prix du marché renforcent la viabilité du projet grâce à un flux monétaire pour rembourser la dette et financer les dépenses d’entretien continues.
L’augmentation du nombre de logements au prix du marché à Toronto est aussi prioritaire pour la mairesse Olivia Chow. La mairesse s’est engagée à faire construire 25 000 unités locatives, et ce chiffre comprend des logements au prix du marché. Cependant, on se concentre davantage à livrer des logements locatifs que des logements à vendre.
L’objectif est de construire des communautés complètes, y compris des logements pour divers niveaux de revenus, et la confiance s’établit dans ces communautés grâce à des engagements et des consultations significatifs.
Trouver la voie de l’avenir
Le défi de loger la population mondiale qui ne cesse de croître ne peut que s’amplifier. Nous faisons présentement face à une réalité difficile à accepter : la nature de nos marchés résidentiels pourrait ne pas répondre à nos besoins de développement.
Toutefois, parmi nos défis systémiques, il y a des projets, comme le 2444 Eglinton de CreateTO, qui démontrent le pouvoir d’une approche innovante combinant public et privé pour améliorer notre approvisionnement en logements. Des projets comme celui-là pourraient-ils être la clé pour répondre à la demande pour des unités locatives et la propriété résidentielle?
Il est judicieux d’envisager cette idée. Ensemble, la créativité, les partenariats et les modèles d’habitation différents pourraient, en étant ajoutés aux définitions traditionnelles de propriété résidentielle, constituer ce dont nos collectivités ont besoin pour le contexte démographique changeant.
Cet article fait partie de notre série Facteurs de changement 2024, où nous observons les tendances qui affectent nos villes et nos lieux de vie, nous poussant à nous adapter, à apprendre et à tirer parti de nouvelles occasions. Cliquez ici pour voir tous les articles de la série Facteurs de changement 2024, ou abonnez-vous pour être parmi les premiers avertis dès que de nouveaux articles sont disponibles.
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