En un coup d’œil :
- Le capital naturel, la valeur économique des produits et services fournis par nos écosystèmes, devient un nouveau produit d’investissement essentiel.
- Les marchés des capitaux naturels, y compris les marchés du carbone et les marchés émergents comme les crédits Biodiversity Net Gain (BNG, ou gains nets pour la biodiversité), gagnent en popularité dans le monde.
- Les BNG deviennent une approche politique importante pour créer et améliorer les habitudes naturelles en garantissant que les nouveaux développements ont un impact positif sur la biodiversité.
La montée des investissements en capital naturel
La nature nous fournit de valeureux services que nous pouvons facilement sous-estimer. La valeur apportée par les systèmes naturels a longtemps été considérée gratuite et hors des bilans et, jusqu’à récemment, elle n’a jamais été évaluée adéquatement.
Cela pourrait toutefois changer rapidement. Les événements climatiques continuent d’éprouver nos systèmes naturels et nous devrons gérer de nouveaux coûts et de nouvelles incertitudes, tout en essayant de recréer ce que la nature nous a donné. Les économistes et les politiciens citent de plus en plus la valeur de la nature comme forme de capital puisque ce « capital naturel » soutient la prospérité économique de la même manière que le « capital financier » est négocié sur Wall Street.
L'investissement en capital et les systèmes comptables s’adaptent pour inclure la valeur d’actifs naturels et capte les liens entre la santé et la résilience de la nature. Cette appréciation grandissante du capital naturel a mené à la création de stratégies exhaustives de gestion du risque et de normes comptables intégrales pour améliorer les décisions d’investissement, et elle est appuyée par les cadres de travail internationaux qui favorisent la transparence, tel que le Taskforce on Nature Related Financial Disclosures (TNFD, ou groupe de travail pour les divulgations financières liées à la nature).
Le capital naturel est une approche qui peut aider à répondre à des questions comme :
- Comment les ressources naturelles et les écosystèmes peuvent-ils être mieux gérés pour minimiser les perturbations d’affaires ?
- Quelle est la contribution des écosystèmes et de leurs services pour l’économie, le bien-être social, la sécurité d’emploi locale et l’amélioration des revenus ?
- Quels sont l’état et l’intégrité des écosystèmes locaux et comment la santé de la biodiversité change-t-elle au fil du temps ? Quelles sont les principales zones de dégradation, d’adaptation et d’amélioration ?
- Quelles sont les compensations et opportunités parmi les différents usages de terrains qui ajoutent à la conservation de l’habitat et aux loisirs pour arriver à une durabilité et une équité à long terme ?
Comment définit-on le capital naturel ?
Le capital naturel peut se définir comme étant l’inventaire d’actifs naturels de la planète, qu’ils soient vivants ou non vivants. Ces actifs apportent tous de la valeur par les biens qu’ils produisent ou les services qu’ils rendent, soit les services des écosystèmes. Voici la définition des Nations Unies :
« Le capital naturel est un autre terme faisant référence aux ressources renouvelables et non renouvelables (ex. : les plantes, les animaux, l’air, l’eau, les sols, les minerais) qui ensemble produisent des bienfaits pour l’humanité ». »
Le concept de capital naturel s’étend au-delà de la nature comme source de matériaux de production (ex. : le bois) et inclut le rôle de l’environnement et des écosystèmes dans le soutien du bien-être des humains par l’apport de biens et de services importants comme l’eau potable, des sols fertiles et de précieuses ressources génétiques.
Le capital naturel est maintenant connu comme l’une des cinq formes de capital pour tout projet durable. Cela signifie également que lorsque nous estimons la valeur d’un projet, nous devons évaluer les effet positifs et négatifs que la décision d’investissement peut avoir sur l’inventaire de capital naturel de la planète, en plus des considérations des autres formes de capital.
Pourquoi abordons-nous ce sujet maintenant ?
Nous sommes à un point de rupture, comme le sont actuellement les États-Unis qui, à eux seuls, subissent en moyenne un désastre météorologique ou climatique d’un million de dollars toutes les trois semaines. Une analyse de 2023 a révélé que plus de la moitié (55 %) du PIB mondial dépend modérément ou fortement de la nature et a établi la valeur de cette dépendance à 58 billions de dollars. À cela s’ajoutent des pressions croissantes pour limiter le réchauffement climatique et une importante perte de la biodiversité, qui se situe en moyenne à 68 % des niveaux des années 1970 et s’élève à 94 % en Amérique Latine.
En immobilier commercial, le concept de gain net pour la biodiversité, soit de créer plus de nature à partir des développements actuels, devient aussi un moteur de valeur pour les chantiers et immeubles dans le monde. Cette pratique régénérative crée des opportunités pour d’autres usages des terres et attire des investissements en capitaux.
Les gains nets pour la biodiversité ont aussi attiré l’attention des législateurs et sont maintenant exigés pour obtenir des permis de promotion immobilière et d’infrastructure en Angleterre. Cela permettra d’améliorer la biodiversité au fil du temps et de créer des opportunités pour les propriétaires fonciers et les propriétaires d’immeubles de soutenir la mise en œuvre de règlements en créant des opportunités d’investissement par le biais de crédits nature hors site. Ce marché est seulement nécessaire lorsque le gain en biodiversité est difficile à accomplir par développement sur le site, comme dans les centres urbains ou les corridors industriels.
Les propriétaires fonciers et les promoteurs s’engagent dans des contrats de BNG où les deux parties doivent participer au maintien de crédits pour la biodiversité pour au moins 30 ans. Cela assure que le niveau de biodiversité demeure supérieur aux niveaux observés avant le développement pour une période soutenue. Ces crédits peuvent inclure le regroupement d’actifs comme la génération d’énergie renouvelable ou l’agriculture régénérative. Les tiers intervenants peuvent aussi investir dans des projets de protection forestière, de reforestation ou de restauration de tourbières, apportant d’autres sources de capital et de revenu aux propriétaires d’immeubles et fonciers.
À l’instar de l’Angleterre, les États-Unis, le Canada et l’Australie lancent une nouvelle initiative nommée le Partenariat pour la coopération en matière de comptabilisation du capital naturel, de comptabilité économique et environnementale et statistiques connexes, qui aidera les décideurs à tenir compte de l’entière valeur de la nature lorsqu’ils créent des programmes et des politiques. L’intention est d’élaborer une approche commune vis-à-vis la comptabilisation du capital naturel, la comptabilité économique et environnementale et les statistiques connexes qui est orientée par le cadre de travail du Système de comptabilité environnementale et économique (SCEE) de l’ONU.
Quels seraient des exemples de marchés du capital naturel ?
Certains des marchés du capital naturel les plus établis sont les marchés du carbone, qui facilitent la vente et l’achat de crédits pour des émissions de carbone. Alors que divers pays cherchent à atteindre des cibles ambitieuses de décarbonation, les injections en capital d’entreprises et de personnes ont augmenté rapidement, avec des investissements s’accroissant de 365 % en seulement quatre ans, à 865 milliards d’euros (911,5 M$ USD) en 2022. Au-delà des marchés du carbone, nous voyons de nouveaux marchés du capital naturel émerger dans diverses régions.
Emplacement | Étude de cas des marchés du capital naturel |
Angleterre | En Angleterre, le marché des crédits de gains nets pour la biodiversité est en pleine émergence. Bien qu’à leurs premiers pas, les crédits BNG sont présentement dans une fourchette de valeur de 20 000 £ à 40 000 £ et atteignent de plus grandes valeurs pour les ressources naturelles rares et avec diverses espèces, comme les tourbières. Cela indique d’importants rendements financiers pour les propriétaires fonciers dépendamment du type de capital naturel qu’ils possèdent. Ces marchés d’investissement donnent non seulement d’excellentes possibilités compensatoires, mais pourraient aussi limiter la perte mondiale de biodiversité. Toutefois, cette approche n’est pas sans défis : il peut être difficile d’inciter les propriétaires fonciers à protéger « leur » capital naturel en raison de la nature compétitive et des diverses structures d’utilisation des terres, de la propriété et des pressions pour de futurs développements. Il y a également la menace sans précédent mais bien réelle de la perte de biodiversité due aux incendies, aux sécheresses, aux tempêtes et autres inondations qui sont souvent hors du contrôle du propriétaire et sont en quelque sorte un risque paradoxal à ce modèle. |
EMOA | La Banque européenne d’investissement (BEI) a créé le Mécanisme de financement du capital naturel (MFCN), où les investisseurs peuvent appuyer des initiatives durables comme le fonds irlandais pour la forêt (SLM Silva Fund). La BEI a fourni 12,5 M€ en contribution de capital pour aider le SLM dans ses pratiques de couvert végétal continu, qui optimisent le gain net pour la biodiversité. La BEI prévoit vendre ses principaux investissements à moyen terme, lorsque le SLM aura dépassé son seuil de rentabilité. Cet investissement aura alors obtenu des gains environnementaux et financiers pour la planète et les investisseurs respectivement. La BEI a aussi prêté 6 M€ à Rewilding Europe Capital (REC), une ONG de microfinancement. Ce prêt a été remis à plusieurs entreprises axées sur la nature, notamment des projets de restauration de terres humides. Ces initiatives subventionnent les propriétaires fonciers pour qu’ils revégétalisent leurs terres, ce qui en retour fournit des services d’écosystèmes comme la prévention de la sédimentation et une amélioration de la qualité de l’eau. Si de tels prêts étaient donnés à des entreprises d’infrastructure, comme des centrales hydroélectriques, la modélisation financière démontre que le prêt initial pourrait être remboursé par d’importantes réductions des coûts annuels d’entretien. |
Amérique du Nord | L’intérêt pour l’instauration de l’échange de crédits des eaux pluviales (volume) aux États-Unis continue de prendre de l’ampleur. L’échange de crédits d’eaux pluviales après construction donne de la flexibilité aux propriétaires et promoteurs assujettis à des exigences de gestion des eaux pluviales après construction. L’échange de crédits d’eaux pluviales encourage les propriétaires privés, qui doivent gérer les eaux pluviales sans avoir la capacité de le faire sur leur propre chantier, d’acheter des crédits de volume d’autres propriétaires d’immeubles qui ont implanté des solutions d’infrastructures écologiques pour les eaux pluviales au-delà de ce qui est requis pour leur actif dans la même région. La Ville de Grand Rapids au Michigan fut l’une des villes américaines à lancer un tel programme en 2023. |
Pourquoi est-ce important pour l’immobilier commercial ?
Ceux qui prennent au sérieux les marchés du capital naturel croient fermement créer d’importantes occasions de générer des rendements financiers stables et des résultats positifs durables. Au Royaume-Uni, 63 % des investisseurs veulent que les gestionnaires de fonds se concentrent sur le capital naturel et l’engagement pour la biodiversité, dépassant le pourcentage pour les investissements liés au climat. En revanche, ces produits d’investissement durables exigent des cadres de travail consciencieux pour que s’établisse une confiance dans le marché. Les grands investisseurs internationaux ont repéré l’occasion en capital naturel en façonnant des produits d’investissement attrayants pour les marchés des capitaux. Les investisseurs peuvent diversifier le risque avec des investissements liés au territoire, ce qui s’est longtemps avéré un marché beaucoup plus résilient comparé à certains actifs immobiliers.
L'inclusion du capital naturel parmi les enjeux des cinq formes de capital dans des projets durables reflète une approche intégrale pour évaluer les investissements. L’immobilier, qui fait face à des contraintes de chaîne d’approvisionnement et une escalade des coûts, doit maintenant commencer à prioriser le capital naturel pour éviter les hausses de primes d’assurances et la perte de possibilités d’investissement. L’émergence des marchés de capital naturel, comme le carbone, les eaux pluviales et les marchés des gains nets pour la biodiversité, présente des opportunités potentiellement lucratives, mais elle met aussi en lumière les défis de l’incitation des propriétaires fonciers et de la complexité de la mise en œuvre.
Puisqu’une importante partie du PIB mondial dépend de la nature, il est essentiel de favoriser le capital naturel. Cette transition vers la valorisation du capital naturel s’aligne non seulement aux objectifs climatiques, mais elle recèle aussi la promesse d’importantes opportunités économiques, d’avantages sociétaux et de création d’emploi.
Cet article fait partie de notre série Facteurs de changement 2024, où nous observons les tendances qui affectent nos villes et nos lieux de vie, nous poussant à nous adapter, à apprendre et à tirer parti de nouvelles occasions. Cliquez ici pour voir tous les articles de la série Facteurs de changement 2024, ou abonnez-vous pour être parmi les premiers avertis dès que de nouveaux articles sont disponibles.
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